A part elle - et encore! -, nul ne saurait dire d'où vient Luna et quelles furent ses obscures et tumultueuses origines.
Tout ce que l'on sait, c'est que cette jument sauvage a surgi un beau jour des pentes du mont Slamet sur l'ile de Java, en Indonésie et qu'elle a installé ses pénates aux abords d'un petit village de la zone rurale de Serang.
Aussi belle que rebelle et sans foi ni loi, elle se mit alors, au fil des jours, à dévaster jardins et potagers, piochant insolemment dans les pauvres réserves de fruits et légumes des paysans du coin et piétinant allègrement sur son passage tout ce qui gênait ses funestes larcins.
Certains tentèrent d'y mettre le holà mais apprirent, à leurs dépens, que la fougueuse jument avait un excellent coup de sabot, une belle technique de ruade et, pour parfaire le tout, un sacré coup de dents!
Quelques villageois envisagèrent alors de s'occuper d'elle d'une manière plus... expéditive. Mais la plupart s'y opposèrent fermement et proposèrent qu'on alla plutôt chercher la seule personne qui puisse régler humainement la situation: j'ai nommé “le mystérieux homme au chapeau de cuir rouge”.
C'est ce que l'on fit. Et voilà comment toute l'histoire a commencé...
Tout ce que l'on sait, c'est que cette jument sauvage a surgi un beau jour des pentes du mont Slamet sur l'ile de Java, en Indonésie et qu'elle a installé ses pénates aux abords d'un petit village de la zone rurale de Serang.
Aussi belle que rebelle et sans foi ni loi, elle se mit alors, au fil des jours, à dévaster jardins et potagers, piochant insolemment dans les pauvres réserves de fruits et légumes des paysans du coin et piétinant allègrement sur son passage tout ce qui gênait ses funestes larcins.
Certains tentèrent d'y mettre le holà mais apprirent, à leurs dépens, que la fougueuse jument avait un excellent coup de sabot, une belle technique de ruade et, pour parfaire le tout, un sacré coup de dents!
Quelques villageois envisagèrent alors de s'occuper d'elle d'une manière plus... expéditive. Mais la plupart s'y opposèrent fermement et proposèrent qu'on alla plutôt chercher la seule personne qui puisse régler humainement la situation: j'ai nommé “le mystérieux homme au chapeau de cuir rouge”.
C'est ce que l'on fit. Et voilà comment toute l'histoire a commencé...
Le coup de foudre entre l'homme au chapeau de cuir et la petite jument rebelle
© D.R
Agé de 42 ans et la tête toujours coiffée de son sempiternel couvre-chef rouge, Ridwan Saruri est un petit éleveur de chevaux qui travaille dur pour nourrir ses trois enfants.
Estimé par les habitants de son petit village, il est bien connu pour ses deux passions: les chevaux et les livres.
Sa première passion force le respect, d'autant qu'on murmure que l'homme sait “parler aux oreilles des chevaux” et qu'il aurait un mystérieux pouvoir sur eux.
La seconde laisse plus perplexe dans un pays où, malgré de gros efforts ces dernières années, l'illettrisme touche encore près d'un million de personnes.
Mis au courant de l'affaire de la jument sauvage, Ridwan n'hésita pas une seule seconde et décida de partir, seul et à mains nues, à sa recherche.
La bête étant dangereuse, on proposa de l'accompagner pour lui prêter main forte mais il refusa tout net.
Parti à l'aube sur les pentes accidentées du mont Slamet, il ne revint ni à l'heure du déjeuner, ni à celle du diner. Et lorsque la nuit tomba sans qu'on ait vu revenir l'homme au chapeau de cuir rouge, on se posa d'angoissantes questions.
Le lendemain matin le jour était levé depuis plusieurs heures et les hommes s'étaient regroupés pour partir en battue à sa recherche lorsque l'on le vit soudain déboucher sur le sentier qui mène au village.
L'homme était épuisé mais son visage reflétait une joie profonde. A ses côtés, douce et sereine, trottait gentiment une petite jument blanche, qu'il avait décidé d'appeler Luna et qui allait devenir sa plus fidèle amie...
Estimé par les habitants de son petit village, il est bien connu pour ses deux passions: les chevaux et les livres.
Sa première passion force le respect, d'autant qu'on murmure que l'homme sait “parler aux oreilles des chevaux” et qu'il aurait un mystérieux pouvoir sur eux.
La seconde laisse plus perplexe dans un pays où, malgré de gros efforts ces dernières années, l'illettrisme touche encore près d'un million de personnes.
Mis au courant de l'affaire de la jument sauvage, Ridwan n'hésita pas une seule seconde et décida de partir, seul et à mains nues, à sa recherche.
La bête étant dangereuse, on proposa de l'accompagner pour lui prêter main forte mais il refusa tout net.
Parti à l'aube sur les pentes accidentées du mont Slamet, il ne revint ni à l'heure du déjeuner, ni à celle du diner. Et lorsque la nuit tomba sans qu'on ait vu revenir l'homme au chapeau de cuir rouge, on se posa d'angoissantes questions.
Le lendemain matin le jour était levé depuis plusieurs heures et les hommes s'étaient regroupés pour partir en battue à sa recherche lorsque l'on le vit soudain déboucher sur le sentier qui mène au village.
L'homme était épuisé mais son visage reflétait une joie profonde. A ses côtés, douce et sereine, trottait gentiment une petite jument blanche, qu'il avait décidé d'appeler Luna et qui allait devenir sa plus fidèle amie...
Avec deux planches et trois morceaux de corde
Ridwan hoche la tête. Il ne se souvient plus comment l'idée lui est venue. Peut-être en voyant les enfants du village faire cercle autour de Luna pour la caresser tandis qu'elle leur envoyait de petits coups de langue affectueux...
Ce qui est sûr, c'est que l'envie lui trottinait depuis longtemps dans la tête de monter une sorte de bibliothèque-nomade pour les enfants du coin.
Si la plupart d'entre eux sont aujourd'hui scolarisés, leurs écoles sont si pauvres dans les zones rurales et les régions défavorisées d'Indonésie, que les enfants n'ont que le strict minimum et que les livres sont un luxe auquel la plupart n'ont pas accès.
Distribuer gratuitement des livres aux gamins, voilà ce dont rêvait Ridwan depuis si longtemps! Leur offrir du rêve, de la culture, de l'évasion, de la joie, comme lui en avait lorsqu'il lisait le soir, assis devant sa porte, après une dure journée de labeur!
Avec Luna, il avait enfin trouvé une co-équipière digne de ce nom pour un tel projet! Maintenant, il n'y avait plus une minute à perdre!
Avec l'aide d'un ami de Jakarta, Ridwan réunit tout d'abord un premier stock de 136 livres pour enfants. Puis il se mit à fabriquer, sous le doux regard de sa jument, une sorte de bibliothèque portative, faite de bric et de broc avec deux planches et trois morceaux de cordes. Il l'installa ensuite sur le dos de Luna, qui s'en montra pas peu fière.
“C'est comme ça qu'est née la Kuda Pustaka Gn Slamet (Bibliothèque à cheval du Mont Slamet)”, se souvient Ridwan, en se grattant le chapeau et encore tout ému d'y repenser.
Ce qui est sûr, c'est que l'envie lui trottinait depuis longtemps dans la tête de monter une sorte de bibliothèque-nomade pour les enfants du coin.
Si la plupart d'entre eux sont aujourd'hui scolarisés, leurs écoles sont si pauvres dans les zones rurales et les régions défavorisées d'Indonésie, que les enfants n'ont que le strict minimum et que les livres sont un luxe auquel la plupart n'ont pas accès.
Distribuer gratuitement des livres aux gamins, voilà ce dont rêvait Ridwan depuis si longtemps! Leur offrir du rêve, de la culture, de l'évasion, de la joie, comme lui en avait lorsqu'il lisait le soir, assis devant sa porte, après une dure journée de labeur!
Avec Luna, il avait enfin trouvé une co-équipière digne de ce nom pour un tel projet! Maintenant, il n'y avait plus une minute à perdre!
Avec l'aide d'un ami de Jakarta, Ridwan réunit tout d'abord un premier stock de 136 livres pour enfants. Puis il se mit à fabriquer, sous le doux regard de sa jument, une sorte de bibliothèque portative, faite de bric et de broc avec deux planches et trois morceaux de cordes. Il l'installa ensuite sur le dos de Luna, qui s'en montra pas peu fière.
“C'est comme ça qu'est née la Kuda Pustaka Gn Slamet (Bibliothèque à cheval du Mont Slamet)”, se souvient Ridwan, en se grattant le chapeau et encore tout ému d'y repenser.
Comment Luna est devenu la bibliothécaire adorée des enfants pauvres du Mont Slamet
Dès le début, ce fut un triomphe! A la sortie des écoles, sur le pas des maisons ou sur les places des villages, les enfants battaient des mains en voyant arriver la belle Luna, son drôle de maitre et leur étrange cargaison. Ils s'attroupaient autour d'eux, caressaient la jument, lui parlaient, l'embrassaient puis se mettaient ensuite à farfouiller en riant dans les modestes mais attirants présentoirs de cette bibliothèque-nomade.
C'est ensuite que cela se gâtait.
- “M'sieur, M'sieur, on prendrait bien un livre mais on n'a pas d'argent!“ disaient les gamins la mine soudain triste.
Alors Ridwan sortait un gros carnet, un crayon et leur expliquait:
- “ C'est gratuit, les enfants! Vous avez le droit de prendre chacun un livre et quand vous l'aurez lu, vous le rapporterez à Luna et on vous en prêtera un autre“
- “C'est vrai?“.
Les gamins avaient du mal à y croire.
- “C'est vrai!” répondait Ridwan. Et Luna de confirmer en hochant la tête.
Depuis ce jour, Ridwan et Luna - devenue star locale et dont les jarrets ne sont parfois pas loin d'enfler surtout quand des journalistes de la ville viennent la prendre en photo - arpentent inlassablement ruelles pauvres, sentiers reculés et chemins de montagne.
Qu'il pleuve, neige, vente ou que ce soit la canicule, ils répondent présents aux enfants tous les mardi, mercredi et jeudi. Et cela entièrement bénévolement. Ridwan y tient, même s'il n'est pas riche et s'il doit continuer à travailler dur les autres jours.
“Je le fais pour les enfants”, dit-il en triturant son éternel chapeau de cuir rouge.
Puis d'ajouter: “Et pour les livres aussi, bien sûr...“
Le soir tombe peu à peu sur le Mont Slamet et, tout près de lui, Luna confirme en hennissant doucement, un brin d'herbe dans la gueule...
Ridwan, mon ami, je te serre fort et je t'embrasse - nous t'embrassons!-
Embrasse aussi Luna de notre part!
Bien à toutes et à tous!
Et mes amitiés les plus fraternelles à tous les bibliothécaires fixes ou nomades, aux animaux qui les aident parfois (ânes, chevaux, éléphants, etc.) et aux libraires et défenseurs du livre du monde entier!
Pierre MARTIAL
A partager le plus largement possible, mes amies et amis.
Partager, c'est déjà agir.
Ressources:
- Indonésie 2015 - Etudes économiques OCDE (1)
- La pauvreté en Indonésie - ACF (2)
- Getty Images (3)
- Kuda Pustaka Gunung Slamet (4)
C'est ensuite que cela se gâtait.
- “M'sieur, M'sieur, on prendrait bien un livre mais on n'a pas d'argent!“ disaient les gamins la mine soudain triste.
Alors Ridwan sortait un gros carnet, un crayon et leur expliquait:
- “ C'est gratuit, les enfants! Vous avez le droit de prendre chacun un livre et quand vous l'aurez lu, vous le rapporterez à Luna et on vous en prêtera un autre“
- “C'est vrai?“.
Les gamins avaient du mal à y croire.
- “C'est vrai!” répondait Ridwan. Et Luna de confirmer en hochant la tête.
Depuis ce jour, Ridwan et Luna - devenue star locale et dont les jarrets ne sont parfois pas loin d'enfler surtout quand des journalistes de la ville viennent la prendre en photo - arpentent inlassablement ruelles pauvres, sentiers reculés et chemins de montagne.
Qu'il pleuve, neige, vente ou que ce soit la canicule, ils répondent présents aux enfants tous les mardi, mercredi et jeudi. Et cela entièrement bénévolement. Ridwan y tient, même s'il n'est pas riche et s'il doit continuer à travailler dur les autres jours.
“Je le fais pour les enfants”, dit-il en triturant son éternel chapeau de cuir rouge.
Puis d'ajouter: “Et pour les livres aussi, bien sûr...“
Le soir tombe peu à peu sur le Mont Slamet et, tout près de lui, Luna confirme en hennissant doucement, un brin d'herbe dans la gueule...
Ridwan, mon ami, je te serre fort et je t'embrasse - nous t'embrassons!-
Embrasse aussi Luna de notre part!
Bien à toutes et à tous!
Et mes amitiés les plus fraternelles à tous les bibliothécaires fixes ou nomades, aux animaux qui les aident parfois (ânes, chevaux, éléphants, etc.) et aux libraires et défenseurs du livre du monde entier!
Pierre MARTIAL
A partager le plus largement possible, mes amies et amis.
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Ressources:
- Indonésie 2015 - Etudes économiques OCDE (1)
- La pauvreté en Indonésie - ACF (2)
- Getty Images (3)
- Kuda Pustaka Gunung Slamet (4)